jeudi 11 février 2010

Petite croisade contre la déraison

Comment ne pas s’insurger devant le faux, devant le mensonge? Quand ces messieurs affirment haut et fort qu’il en est ainsi alors qu’il ne pourrait en être plus autrement; quand ces dames prétendent que de telle chose il faut penser ceci, même lorsque confrontées aux syllogismes les plus manifestes infirmant leur doctrine; comment ne pas avoir envie de mettre le feu aux nappes? Ne faudrait-il pas révérer davantage la girafe que l’homme qui refuse les probes fondations de la logique, l’asticot à la femme qui entre la vérité et l’orgueil choisira le second?

Lorsque buté au mur de l’idiotie, il semble approprié de se ramener à l’esprit qu’il faut moins d’une heure aux éléphanteaux pour apprendre à marcher et de s’indigner du sort de nos enfants qui y mettent généralement une année. Pas de quoi célébrer un Te Deum. Il faut être patient avec ces humains – ça vaut le coup, si on s’en remet aux dires des enthousiastes de la race. Pour ma part, j’ai abandonné, et si j’arrive à vouer aux humains ce qu’on pourrait appeler de l’amour, au contraire des pitoyables misanthropes, je valse avec mon propre genre d’un pas sur le pied de la pitié et de l’autre sur celui de la compassion.

Mais confronté à la sottise, à l’absence de discernement, au néant de la bêtise, je ne danse plus. Un nuage électrique éclipse toute ma bonne foi. Je ne contiens qu’avec grande peine les débordements que provoque l’orage de mon ire. C’est le paroxysme de l’exaspération.

Ces nigauds fondent leurs doctrines sur de chétifs axiomes, les faisant parader comme des hordes chevauchant des ânes, prêts à sonner la charge devant les murs insurmontables de la perle du Bosphore. Lorsqu’ils se retrouvent inexorablement défaits, plutôt que de céder humblement à l’inférence et de s’allier à la prépotence de la raison, ils préfèrent s’enorgueillir des chiquenaudes bassement sophistiques qu’ils auront servies à d’infrangibles fortifications, repartant bredouilles, humiliés sans le savoir, se détestant sans doute un peu plus, tout au fond du cœur qui, lui, reconnaît toujours l’échec.

Je voudrais alors déchirer comme de vieux brouillons les cerveaux puérils de ces ennemis de la raison, leur sculpter avec la hache de Ganesh une nouvelle âme dans un roc d’épistémè, les saouler au kykeon, les acculer à l’épopteia. Je figerais dans la glace le thymos, ce véhicule des ferveurs aveuglantes et des passions étroites, pour ne le faire dégeler qu’à la vacillante lumière des chandelles de la sapience. Plus jamais l’impétuosité de ces esprits ne céderait aux verbiages de la déraison, non, ils sauraient se tenir. Ils réfuteraient l’artifice, useraient d’apagogies sublimes et démontreraient des théorèmes implacables. Ils sauraient éviter le marécage où chasse le crocodile du mensonge, contourner le désert où rampe le serpent de la tromperie, traverser les cieux où volent des dragons cracheurs de feux d’artifices. Ils tasseraient alors les vers blancs de la prudhommerie médiatique, retireraient la malandre de l’amphigouri des politiciens, et peut-être escamoteraient-ils même la ravageuse et virale passion du lucre?

Il en est de la pensée comme de la menuiserie. Bien qu’avec la bonne intuition il soit possible de réaliser des œuvres tout à fait convaincantes, n’est-il pas préférable de connaître un minimum de méthode et technique afin d’élargir le champ des possibles? Le discernement est une antiquité que l’on a collectivement abandonnée, au profit d’un confortable cocon d’ignorance. En ces années où l’homme n’est qu’une variable dans des calculs macroéconomiques, penser fait mal. Si mal qu’on croirait porter une vilaine couronne d’épines. On préfère la cécité au sang coulant dans des yeux ouverts.

7 commentaires:

  1. Ça fait du bien de te lire Angélus, on s'ennuyait.

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  2. Belle colère. Les pieds dansant me paraissent éloquents.

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  3. Bonsoir mesdames!

    Fait du bien de m'y remettre, aussi. D'autres trucs s'en viennent, bientôt.

    Geneviève: J'ai toujours eu le pied édifiant.

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  4. L'homme a toujours valser entre la richesse et l'intellect. Quand on a l'un, on a pas le temps ou la patience d'avoir l,autre...

    C'est alors que la danse commence...

    Il n'y a rien de plus redondant et de plus superficiel que la pédanterie intellectuelle! L'homme s'y vautre et s'y enlise de façon à s'en édifier.

    Le premier pas de deux...

    Il devient, par le fait même, un être condescendant. Il préfère se mentir à lui-même afin de ne jamais faire face à sa faiblesse humaine. Il se ruine dans ses théories et ses manuscrits et perds tout contact, par la même occasion.

    Le faux pas...

    Il n'y à rien de plus malicieux et des plus manipulateurs que l'homme guidé par l'argent! Le savoir l'importe peu puisqu'il peut l'acheter. D'ailleurs, pour lui, tout s'achète!Une maison, une carrière, une auto, une femme...

    Le tango...

    Il devient, par le fait même, un être condescendant. Il préfère se mentir à lui-même afin de ne jamais faire face à sa faiblesse humaine. Il se ruine dans ses complots et ses déboires et perds tout contact, par la même occasion.

    Moi aussi, ça m'enrage...

    Très contente de te lire Angélus.

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  5. Visitez mon blog www.blogepistolaire.blogspot.com

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  6. Gosh! Serait-ce un retour en force du bon vieil Angélus? Que j'apprécie cette pétarade verbale! Content de te relire, mec.

    L'hibernation a des vertus insoupçonnées, je présume. Je m'en vais de ce pas me couler dans un sommeil de béton, car force m'est d'admettre que j'ai un peu la verve en berne depuis quelque temps.

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