lundi 30 novembre 2009

Combler la carence

 

Nous avions roulé deux joints, des missiles, et avions arrêté la voiture dans un stationnement enneigé du Parc de la Gatineau. Isabelle, sa demi-sœur Kathy et moi, revenions de la première soirée de snowboard de l’hiver. Nos vêtements étaient humides et il faisait bon de se sentir les pieds libres, dans nos bottes de neige. Des flocons épars tombaient de la nuit, larmes gelées de la lune qui se déposaient comme des oiseaux sur la nature endormie de l’hiver. J’avais abaissé le siège du passager, m’étais allongé pour envoyer la boucane au plafond de la Saturn, et la regarder s’échapper par la fente de la fenêtre à peine entrouverte  jusque dans la Voie Lactée.

 

Isabelle et Kathy se connaissaient depuis deux ans : le veuf père d’Isabelle avait rencontré la cocue mère de Kathy, ils s’étaient mariés et passaient tous leur temps libre à rénover un chalet au Lac Simon. Isabelle travaillait à temps plein à l’animalerie de son père, en attendant de savoir quoi faire de sa vie, torchait des chiots, des iguanes et la cage d’Ivan le perroquet (gros caca! gros caca!). Kathy, à vingt ans, était de deux ans sa cadette, étudiait en biotechnologie à l’Université d’Ottawa et bossait dans un restaurant de la rue Sparks tenu en affaires par des marées de fonctionnaires constamment en pause.

 

Kathy, assise derrière, racontait comment son ex la baisait mal : il ne variait pas le rythme, ne lui touchait que les seins de façon grossière, il bavait quand il l’embrassait, disait cowabunga! avant de la pénétrer, avait des boutons dans le dos et lui parlait de ses « succès » à Everquest moins d’une minute après avoir joui. Isabelle raconta ensuite sa soirée avec un client de l’animalerie, propriétaire d’un abyssin, ponctuant son récit par des suçotes répétées sur le joint et de habiles nuages. Elle s’était retrouvée dans une limousine avec lui, une rouquine inconnue et un autre type tout à fait inélégant. Elle s’était fait lécher par toutes leurs langues, trente doigts l’avaient manipulée, l’avaient explorée. Puis, se faisant traiter de salope par le gros colon, elle avait pris tout son sperme en bouche, et le lui avait recraché en pleine gueule, encore empalée sur la verge de son client qui se faisait aussi lécher les couilles par Cheryl Blossom.

 

-       Aww. T’as vraiment du meilleur cul que moi, Isabelle. Sauf que j’aurais jamais sucé ce gros colon, moi…

-       Bah, dans le feu de l’action, tu sais, ca dérange moins. C’était tellement excitant dans la limousine. Et la rouquine elle aimait ça, elle, se faire traiter comme de la viande, alors je prenais son exemple.

-       Allumant, ton histoire, en tout cas, dit Kathy en me fourrant le joint entre les lèvres.

-       Avoir su, dis-je connement, nous serions allés faire de la snow en limousine!

-       Chiâle pas contre ma Saturn, toi!

-       Non, non, j’adore ta bagnole, vraiment.

-       Shotgun.

 

Elle s’empara du joint, retourna le brasier vers le fond de sa gorge et emprisonna le filtre improvisé entre ses dents. Dans des froissements de nylon, elle se contorsionna pour embarquer à cheval par-dessus moi, approcha ses lèvres des miennes et me souffla un torrent de fumée en pleine gueule. Je m’étouffai un peu.

 

-       A ton tour, chérie, vas-y, tire, dit-elle à Kathy en lui passant le joint.

-       Ok.

 

Je voyais le visage de Kathy à l’envers, moi qui étais allongé le siège du mort, elle sur la banquette. Elle empoigna mon visage entre ses deux mains puis approcha sa bouche. Alors qu’une tempête de marijuana rageait dans mes poumons verdis, je sentis la main d’Isabelle se faufiler jusqu’entre mes cuisses. Elle serra les doigts au bon endroit.

 

-       Je suis sure, dit-elle à Kathy, qu’on peut dès maintenant arranger ton problème de mauvais sexe…

-       Tu… tu crois?

-       Je ne sais pas, Angélus, qu’en penses-tu?

 

Avant que je n’aie pu répondre, Kathy me mordillait un lobe d’oreille, me léchait le cou, ôtait son manteau et Isabelle ôtait mes pantalons de neige, retirait mes combines…

 

La Saturn était devenue une paradisiaque planète de nylon au ciel de ganja, les manteaux et pantalons de neige entremêlés à nos corps partiellement dénudés. Les demi-sœurs n’osaient se toucher, sinon le bout des seins, que moi je prenais un plaisir à flatter, à écraser, à bécoter. Dans les premières minutes, j’étais plus doux avec Kathy, qui me semblait plus réservée, moins enflammée, mais au fur et à mesure que son désir croissait, que ma langue agissait comme une tornade de chair humide sur son clitoris, elle se transformait en bête, dirigeait mon index entre ses fesses, me mordait, tirait mes cheveux. Isabelle se masturbait et passait sa langue sur le bout de ma verge tendue.

 

A un moment, je trouvais que nous étions trop à l’étroit, j’ouvris la portière et jetai Kathy dans la neige, sous les étoiles qui nous épiaient par billions. Isabelle dit non, c’est froid!, mais je lui pris la bouche entre mon pouce et l’index, et lui dit ne crains rien, tu auras chaud. Elle glissa de la voiture à quatre pattes dans la neige, avança vers Kathy qui, jambes écartées dans les airs pour leur éviter le contact de la neige, hésitait en voyant Isabelle s’approcher. J’écartai les fesses d’Isabelle et m’enfonçai en elle lentement, les genoux dans la neige, alors qu’elle continuait d’avancer vers sa demi-sœur – elle gémit, sortit la langue et se mit à lui lécher les mollets. Kathy, à ma surprise, ne put se retenir : elle prit la tignasse d’Isabelle d’une main ferme, lui écrasa la face dans son sexe, vas-y chérie, lèche, fais moi jouir, donne moi du bon cul, oh, ah, oui, c’est ça, ah que t’es cochonne, enfonce moi ton pouce dans l’cul, ah putain, c’est froid.

 

Quand j’eus joui généreusement dans Isabelle, qui s’essuyait les cuisses, Kathy se releva, assise les fesses dans la neige et ignorant le froid, elle s’insurgea :

 

-       Angélus, j’ai des petites nouvelles pour toi. T’as pas fini. Ma demi-sœur est bien bonne avec sa langue, toi aussi, mais ca ne me suffira pas… j’ai une carence à combler.

 

L’étudiante empoigna mon sexe déjà ramolli par la base, ouvrit grand la bouche et le prit tout entier entre ses joues. Isabelle me lançait de la neige dans le dos alors que Kathy se masturbait en faisant tournoyer sa langue, la bouche pleine.

 

-       Kathy, t’en avais vraiment besoin, hein? lui dit sa demi-sœur. Alors si c’est comme ça, autant en profiter, mais christ qu’il fait frette.

 

Isabelle vint en aide à Kathy pour que je retrouve ma fermeté. Il n’en fallu pas long, et Isabelle tira Kathy vers l’arrière, la forçant à se coucher le dos dans la neige. Elle s’accroupit alors et lui écrasa son sexe sur les lèvres. Alors que je baisais Kathy avec une férocité jurassique,  elle levait la langue vers la vulve de sa demi-sœur, comme si elle fut source de la dernière goutte d’eau du monde. Isabelle s’amusait à nous lancer de la neige, à en faire fondre dans le nombril de Kathy, à m’en lancer sur le torse, en bougeant le bassin afin d’améliorer la friction avec la langue de sa chérie alors que je dévergondais celle-ci avec verve. Enfin, je la relevai, l’accotai sur le métal glacé de la Saturn, et je la pris avec une sauvagerie renouvelée, alors que ses seins faisaient fondre la neige tombée sur le capot et qu’Isabelle trouvait le moyen de faufiler ses doigts jusqu’à clitoris. Elle jouit longuement, resserrant mon sexe en elle, hurlant comme une louve.

 

Nous terminâmes notre soirée dans le sous-sol chez le père d’Isabelle et la mère de Kathy, à écouter Election avec Matthew Broderick, sous une couverture carrelée. Vers une heure du matin, la sœur biologique de Kathy rentra (sa chambre était au sous-sol). Elle semblait être dans tous ses états.

 

-       Ca ne va pas chérie? demanda sa grande sœur.

-       Bah. C’est Justin. Il s’imagine que les filles, on voudrait tous baiser comme dans les films de cul… Il m’écœure! Pas envie de me faire enculer à quinze ans, me semble que j’aimerais ça m’améliorer de l’autre bord, avant.

-       Ah, encore une histoire de mauvais cul… Y’a des remèdes pour ça, tu sais!

-       Ah oui, lesquels?

-       Va faire un peu de snowboard!

-       Ouais, ajouta Isabelle, même si c’est frette, j’te jure que ça marche…

-       Vous êtes fous, hostie.

 

Sous la couverture, Isabelle me pinçait le prépuce.

jeudi 26 novembre 2009

Le maître des marionnettes

La vie est trop simple dans un seul corps, vraiment. Je m’imagine être une sorte de maître des marionnettes et posséder plusieurs vies, les incarner à volonté, et zwwwip, m’extirper de l’ennui de l’un pour régler les problèmes de l’autre, passer du mec qui doit expliquer sa gaffe à son patron au mec qui doit, le pauvre, arbitrer un match de volley-ball de plage féminin. Puisqu’il est non souhaitable de vivre pour toujours (j’ai déjà essayé, ça craint, croyez-moi), ne pourrait-il pas y avoir au moins la solution de rechange – celle d’expérimenter plusieurs karmas simultanément? Comme c’est moche de ne pouvoir à la fois d’une part connaître la volupté corruptrice de l’extrême richesse et d’autre part la rudesse frétillante de la pauvreté, de la misère à s’en chier dessus. De ne pas pouvoir à la fois être la proie et le prédateur, de ne pas pouvoir à la fois décocher la flèche et la sentir nous déchirer muscles et artères. J’aurais plusieurs marionnettes, et de toutes les couleurs, oui, je cumulerais des vies, les chérirais, les maudirais peut-être, aussi, par moments, mais une chose est sure, j’en aurais une si vaste collection, qu’en une seule vie, j’aurais goûté à un concentré d’existence humaine et nulle âme millénaire ne saurait se revendiquer d’avoir connu davantage.

Je serais Mario, coach de hockey, marié à Suzette depuis vingt-cinq ans, ignorant comme un vilebrequin, mais un maître pédagogue de son sport. Je gagnerais des tournois anonymes à Fort-Coulonge ou à St-Marc des Carrières. Je conduirais un pick-up Ford que j’astiquerais avec toutes sortes de produits nocifs pour l’environnement. Un jour, je reviendrais d’un tournoi plus tôt que prévu, l’équipe éliminée dès la première ronde, et je retrouverais Suzette la tête enfouie sous la robe de Guylaine (un prénom parfaitement lesbien) en train de lui laver la chatte de sa langue. Mes genoux lâcheraient, je m’effondrerais, en échappant un aaaah! de désespoir poussé du fond du ventre. Zwwwip!

Je serais Charlène, danseuse érotique, dix-neuf ans, belle comme une cerise, conne comme une tourtière mais ferme comme une buche. Je repérerais un soir un mec désespéré, je lui dirais, first dance is free, honey, come with me. Je lui écraserais un sein en pleine bouche et j’essayerais de lui faire bouffer tout entier jusqu’à ce qu’un peu de bave lui coule sur le menton. Je dirais fuck it, fuck the rules, let me suck your cock, sexy, et je le ferais venir sur ma langue, sortie et toute aussi raide que son boyau d’arrosage, au milieu d’un sourire à la Ronald McDonald. Zwwwip hip hip!

Hourra! Je serais un pêcheur indien, partirais le matin au lever du soleil, je ramènerais assez de poisson, le soir, pour nourrir une famille de huit enfants, et je m’endormirais en lisant les Upanishads à la lueur d’une lampe à l’huile. J’aurais les ongles noircis par le labeur, un sens de l’odorat aiguisé. Un de mes enfants se ferait bouffer par un léopard et on organiserait une chasse sans précédent. Nous abattrions enfin l’animal assassin et organiserions une grande fête. Du lait de vache? तुम पागल हो!

Je serais un général dans un pays d’Afrique, un véritable enfoiré de cinglé, et j’ordonnerais des massacres ethniques : ces petites sous-tribus infâmes qui souillent le territoire et ne reconnaissent pas ma suprématie n’en mèneraient pas large! Je finirais dans une prison au Gabon où on me ferait subir des atrocités merveilleuses, créatives et méritées.

J’aurais presque tout oublié, le nom même de mon fils, mon âge, oublié comment pisser droit, comment me faire un grilled-cheese. Tout ce dont je me souviendrais, oui, c’est la belle Germaine. Germaine que j’avais connue à la patinoire locale alors que nous avions treize ans. Germaine et sa robe fleurie. Ses mitaines à four. Son verre de St-Raphaël. Germaine et moi dansant seuls dans notre salon pour notre cinquantième anniversaire de mariage. Elle viendrait tous les jours à la même heure et prendrait mon visage entre ses vieux doigts rabougris, et plongerait son regard dans le mien et me dirait je t’aime. Puis je mouillerais mon pantalon.

Je serais recteur d’une faculté de philosophie. J’aurais une maison dans le meilleur quartier de la ville et j’organiserais des soirées intellectuelles où les meilleurs cerveaux, l’élite que j’aurais en partie créée, prononceraient de grandiloquents discours sur la place du philosophe en société, sur l’identité, ou sur la phénoménologie herméneutique de Paul Ricœur. Éventuellement, les étudiantes se transformeraient en ménades, et nous exploserions nos chairs dans une bacchanale sublime, supernovae au milieu de la nuit noire.

J’en aurais, des vies, des expériences, oh oui, et je n’hésiterais pas à en prendre, des risques. Je flamberais des payes dans des casinos de Vegas ou, plus intelligemment, je jouerais à la Bourse, plus humainement, j’inviterais des clochards à souper pour Noël et, plus cruellement, je kidnapperais des enfants.

J’ai une conscience qui cogne aux fenêtres de ma perception et ne cesse de crier : putain, laisse-moi vivre autre chose, laisse-moi habiter Seattle, Kuala Lumpur, Moscou; laisse-moi engloutir un litre de vodka tous les jours avec du chlordiazépoxide et des puffs de diméthyltriptamine; fais-moi bouffer du cerveau de singe, du chat ou même de l’humain; pourquoi t’essaierais pas, juste une fois, de baiser un mec? de virer une brosse au Jägermeister dans mon bureau? de braquer une banque déguisé en Spider-Man?

Vivre une seule vie à la fois, voilà mon calvaire.

Je suis né pour être maître de marionnettes.

samedi 14 novembre 2009

Yoga et bricolage

Elle fait du yoga dans des pantalons bien moulants rouges, ses jambes parfaites bien écartées. Je jurerais qu’elle est mouillée, là-dessous. Ses seins sont bien écrasés sur son corps par le tissu serré de sa camisole achetée chez lululemon. Ses cheveux blonds sont attachés en queue de cheval. Elle n’a pas de rouge-à-lèvres ni rien. Elle boit du lait de soya et du thé vert, c’est sur. Elle baise avec des condoms bios. Elle a forcé son mec à acheter une SMART.

J’arrive par derrière alors qu’elle est assise en position du lotus en respirant bien profondément. Je pose mes mains doucement sur sa taille, n’interrompez pas votre respiration (avec l’autorité d’un gourou), inspirez, expirez, c’est cela, oui. Je suis de mes doigts la trajectoire de l’air dans sa poitrine, en passant entre ses seins. Sa respiration s’intensifie. J’appuie mes mains sur son ventre. Sentez l’air dans votre ventre. Elle rentre le ventre, ma main glisse plus bas, elle soulève son bassin, elle veut que je la touche. Pourtant je remonte plutôt mes mains jusque sous ses seins. Je veux la faire patienter, mais j’échoue… j’empoigne son buste, sens ses mamelons. Sa respiration devient brisée. Madame, continuez à vous concentrer sur votre respiration. Puis, je fais descendre mes mains, soudainement. Je lui masse son sexe à travers le tissu, lentement, parfois de toute la main, d’autres fois juste du bout de deux doigts. Le tissu s’imbibe, se mouille. Je sens de mieux en mieux les reliefs, j’arrive à repérer à peu près où se trouve la petite bille-de-toutes-les-joies. Elle pousse de petits sons.

Ses épaules sont maintenant plaquées contre le sol. Elle a levé le bassin, ses tibias dans un angle à quatre-vingt dix degrés avec le tatami. Moi je suis à genoux, son sexe à quelques centimètres de ma bouche. J’enfonce mon visage où elle le veut. Le tissu est mince. Ma langue et mes lèvres s’agitent, elle bouge le bassin pour accentuer la friction. Je la baiserais à travers le tissu. Restez bien en place, respirez… je reviens.

J’accours au bureau, j’en reviens avec une petite paire de ciseau. Elle semble inquiète en me voyant revenir, mais comprends vite. Je découpe le tissu avec prudence, autour de son sexe. Je lance les ciseaux avec vigueur et ils se plantent dans le mur, bien droitement. Je recolle ma langue, de tout son long, sur son sexe et je ne la bouge que très lentement, pouvant enfin goûter son nectar. Elle me dit qu’elle manque de force dans les jambes. Je lui permets de se mettre à quatre pattes. Elle écrase sa joue sur le matelas, lève les fesses bien hautes, une courbe au nombre d’or se forme. Je dépose mes mains sur son derrière, approche mes doigts de la découpure faite un instant plus tôt… Je déchire sauvagement le tissu, mettant au grand jour ces fesses qui auraient surpris les imaginations les plus fertiles. Je les embrasse, les lèche, les mord. Elle me supplie…

- La session est terminée, messieurs dames. Prenez quelques minutes pour vous allonger sur le matelas et relaxer, si vous le voulez. A la prochaine fois.

Je fus sorti brutalement de mon rêve. Les participants roulaient leurs matelas, détendus. Une odeur de thé parvint à mes narines. La blonde enfilait déjà son manteau, encore concentrée. Marianne me donna une chiquenaude dans le cou.


- Alors? Je t’avais dis, hein, que ça fait du bien?
- Oh oui, ça fait vraiment du bien, c’est fou.
- Pff. Elle était pas mal cute, hein, la blonde?
- Que… quoi? Ah, oui, la blonde. Très.
- Pervers.
- Moi? Nooooon.
- Tu m’invites chez toi pour un verre? On ira parler de ton expérience transcendantale.
- A condition que tu gardes tes vêtements de yoga…
- Tss. Mmmokais.
- Et que tu me laisses faire un peu de bricolage.


Elle baissa un sourcil incrédule, puis le doute laissa place à un joli sourire. Elle me donna un baiser sur la joue.


- Viens, on va aller bricoler, p’ti gars.
- Je vais te bricoler quelque chose de beau, tu verras.
- Oh, j’te crois… t’es bon avec tes mains!
- Attends de voir ce que je fais avec des ciseaux!
- Tu me fais peur, dit-elle en riant.
- T’aimes ça avoir peur.
- C’est vrai, surtout si c’est à cause de tes grimaces avec la langue…


vendredi 13 novembre 2009

Angélus le salaud

Angélus, t’es un salaud, t’es un faux. Ta magnanimité, ton altruisme, ta galanterie, tout ça, c’est du chiqué. Derrière le feutre de tes paroles, sous la nappe de tes actes, il n’y a qu’un sale con, un enfoiré qui charme les filles, leur fait miroiter de jolies choses, de beaux futurs dans la ouate, des oreillers pour toi et pour elles, à partager dans des sueurs impures. Elles s’imaginent porter tes sous-vêtements, te convertir au thé, voyager avec toi de la Mongolie jusqu’au Pérou, que vous irez au zoo, cueillir des bleuets et faire des tartes, que vous ferez des châteaux de sables sur les plus longues et les plus blanches plages du Sud. Tu es un illusionniste : tu projettes des mirages éblouissants provoqués par la sécheresse d’amour de ton désert inné. Tu es un funambule, vacillant sur une corde étirée entre deux abîmes, celui à gauche creusé par ta crainte de te semer le cœur et ne récolter que du fantôme; celui à droite foré par la certitude de devoir, pour aimer, abandonner ton toi, que tu chéris comme si tu l’avais enfanté toi-même. Tu ne veux pas aimer jusqu’au sacrifice. Ton amour meurt lorsqu’on attend de toi. Tu mourras seul. Riche peut-être, mais… seul.

Des reproches comme j’en reçois toujours, tous basés sur je croyais que tu m’aimais!, tous tordus, abstrus, écrits les doigts humides de larmes ou criés dans des tempêtes de cheveux et de doigts dans les airs, auxquels j’ai toujours envie de répondre simplement ta gueule tu me les casses, mais je préfère les perdre avec des questions casse-cous, des c’est quoi l’amour, vraiment?, ou des vraiment, l’amour pour toi c’est le sacrifice? Il est moins facile qu’on pourrait le croire d’éviter les chrétiennes. Elles ont Jésus dans le sang, malgré elles, bien souvent. Je hais les leçons sur l’amour. Encore pire lorsqu’elle vient d’une femme qui « m’aime », ou « m’aimait » ̶  celles-là sont les pires. Je les assommerais d’un grand coup de bible sur le nez (et il faudrait que ça saigne sinon PAF!, un deuxième coup).  Il n’y a pas un humain sur Terre dont les leçons sur l’amour seraient susceptibles d’influencer comment je vis ça, moi, la fucking amour. Ni les Sri ni les Baba, ni Patricia Kaas, ni ma grand-mère. Personne. L’amour, si vous voulez mon avis, se passe du langage, il brille dans le silence. Et quiconque s’efforce d’en discourir pompeusement devrait plutôt aller se sniffer une ligne de coke.  L’amour éternel, l’amour universel, l’Amour, le manque d’amour, l’amour libre, l’amour maternel, l’amour de la poutine. Ça me donne la nausée. Sans cœur! qu’elles m’ont dit, je croyais que tu m’aimais? Je t’aimais, oui, maintenant je t’aime moins alors que tu tentes de me culpabiliser, t’aimerai un peu plus après la gifle, mais beaucoup moins après ton quatrième appel téléphonique de la semaine.

Des claques au visage, aussi. Ah oui! Le champ de vision qui s’embrouille soudainement, ce petit picotement qui point vivement sur la joue, et ce petit sourire impromptu et inévitable que je dissimule obligatoirement. Les plus comiques m’ont été données juste du bout des doigts, des giflettes, des tapepettes, rapides, presque timides, aussitôt données, aussitôt regrettées. Mais d’autres, moins drôles, m’ont été flanquées de pleines mains, livrées avec vigueur et déchainement, des claques bien préméditées,  des mornifles avec du biceps, qui viennent avec des mots doux – salaud, enfoiré, fils de pute, enculé, calice de chien sale. Je les adore quand elles frappent. Je sens alors qu’elles ont fini de niaiser, qu’elles lâchent prise. Elles oublient les psychanalyses et les grandes leçons du cœur lues de l’adolescence jusqu’à aujourd’hui dans nombre de revues périodiques pourries. Elles frappent puis s’en vont. Un point à la fin d’une phrase.

Si je suis, c’est vrai, un peu enjôleur, on ne pourrait m’accoler l’épithète de menteur. Je n’ai jamais dit à une femme : nous serons toujours ensemble, je serai toujours là, je t’aimerai toujours. Je disais plutôt des trucs du genre cette soirée est magique, je m’en souviendrai toujours et, pendant lesdits soirs, cela semblait suffisant. Quand je me trouvais le visage entre les cuisses de madame, qu’elle me tirait les cheveux comme pour me désaccoucher, elle le savait : demain, je ne serai pas là, demain matin je rentre chez moi, demain matin, après le déjeuner, je vous reconduis. Si vous tombez amoureuses, que puis-je y faire sinon vous dire que moi, je ne suis pas tombé, que je suis sur mes deux pieds? Pourquoi alors me traiter de salaud et de faux? Ce n’est pas moi qui soit faux, c’est votre mirage, le votre, votre, votre. Me reprocheriez-vous de ne pas vous empêcher de le créer?

vendredi 6 novembre 2009

La surprise d'Alexia

La nappe brulait; des flammes majestueuses s’élevaient tout autour de l’immense table, projetaient des ombres vacillantes et instables sur les visages, les murs, les objets. Au milieu des assiettes laissées là, des tajines avaient été abandonnées dans les unes, dans les autres cramaient des fromages importants, déjà les courbes des coupes s’enduisaient de suie. Les chandelles fondaient, assaillies par une chaleur luxuriante qui leur était insupportable. En plein centre, elle à quatre pattes, lui à genoux derrière, ils forniquaient furieusement, gémissaient, rugissaient, passionnément, inarrêtables. Ils devaient jouir, vite, avant que chaleur ne devienne brûlure. Il faut dire, ils avaient eu une longueur d’avance : la maîtresse de cérémonie les avait sommés de se mettre à la tâche avant la fin du repas. Il lui avait déversé une bouteille entière d’un vin d’Amérique sur les fesses et le précieux fluide était allé se mêler à ses sucs à elle, coulant comme un fleuve nouveau, pourpre et scintillant, dans son dos, entre ses fesses et jusqu’au sacro-saint delta de son sexe. Dans une complexe complainte mue des jouissances extatiques auxquelles ils s’étaient assujettis et des douleurs inquiétantes provoquées par les flammes qui leur léchaient déjà les orteils, on les aspergea de mousse anti-feu, et l’incendie fut avorté. Applaudissements.

Alexia m’avait téléphoné, après deux mois de silence bien mérités, et m’avait annoncé qu'elle avait une surprise pour moi: j’avais été « choisi » pour participer à une soirée « spéciale ». Ma curiosité piquée à vif, je tentai d’obtenir d’elle plus de renseignements. Seules spécifications reçues : m’habiller chic, apporter une bouteille respectable ainsi que toute la distinction dont j’étais capable.

La soirée se déroulait dans une immense maison, sinon un manoir, où deux valets m’accueillirent avec plus de manières que je ne n’aurais pu m’y attendre. Je savais qu’Alexia avait des connaissances dans les hautes sphères torontoises de la finance, mais j’étais surpris qu’on l’invitât dans de tels endroits, dans de tels événements. On me dirigea ensuite dans une splendide salle à manger qui devait aisément faire cent mètres carrés. Une table orgiaque y était installée : raisins et noix, figues et sauces, homards, veloutés divers, terrines, fromages, vins blancs et rouges en carafe et champagne. Ma curiosité s’amplifiait : pour quoi et pourquoi avais-je été choisi? Que faisais-je ici? Qui étaient ces gens?

Je repérai Alexia qui venait de poser son verre à martini sur une table, de s’excuser à ses interlocuteurs et qui maintenant ajustait sa robe de soirée et se dirigeait vers moi. Elle me présenta, en anglais, à Mmes Bowering, Bonnell, Simmons, Dussault, Saucier, et d’autres encore dont le nom m’échappe à présent. Elles étaient visiblement riches, la plupart dans la trentaine ou dans la quarantaine, exceptées Mme Bowering, la maîtresse de cérémonie, qui était dans la soixantaine, mais qui de loin paraissait dans une difficile trentaine à force de remodelages et d’injections de Botox et une fort jolie jeune femme blonde dont le nom était trop compliqué pour le prononcer, pire donc à mémoriser, qui elle, était dans la vingtaine. Elles se comportaient avec dignité, riaient généreusement, et semblaient, elles, savoir de quoi il était question, bien que la plupart ne se rencontraient que pour la première fois. Un autre homme fit bientôt son apparition, plus âgé que moi, confiant, rieur. A part M. Harvey, j’étais le seul mâle au milieu de ces douze ou treize femmes. Je tâchais de ne pas paraître intimidé, utilisais mes humours les plus subtils, ralentissais mes gestes, respirais plus profondément et plus régulièrement.

La maîtresse de cérémonie annonça le début du repas et selon ses instructions, nous nous mîmes à table. Les deux hommes devaient prendre place aux deux extrémités de la table. Alexia fut placée à ma droite. Mme Bowering nous souhaita formellement la bienvenue. Cette soirée allait être toute spéciale. Sa seule exigence : obéir à ses commandements. J’interrogeai Alexia du regard. Elle me répondit par un clin d’œil. Bon appétit!, dit-elle en français.

Dès que le premier service fut dégusté, la maîtresse tapa des mains et les lumières s’éteignirent. La pièce était maintenant éclairée seulement par de multiples chandeliers qui, sur les murs ponctuaient les œuvres d’arts exposées, et sur la table éclairaient les convives et les mets. Les femmes se levèrent toutes, soudainement, et quittèrent la salle. Je déposai mes ustensiles sur la table, incertain à savoir si je devais les suivre ou patienter mais je calquai la patience de M. Harvey qui venait d’étendre un morceau de brie sur un craquelin, comme si rien n'était.

A ma surprise, lorsqu’elles revinrent, elles s’étaient toutes changées; qui plus est, elles s’étaient déguisées. Mme Simmons était devenue une féline, une Catwoman, son corps moulé par des filets noirs. Mme Bonnell était costumée en succube ou quelque créature infernale. Mme Saucier, était une religieuse. La jeune blonde était en ballerine. Alexia était une hawaïenne. Il y avait aussi une paysanne, une joueuse de baseball, et quelque chose comme une garagiste ou une éboueuse. Je dus contenir mon amusement, inondé par l’impression de me retrouver dans quelque carnaval surréaliste, de m’être embarqué dans un tour de manège dans l’imaginaire sexuel de Dali. Elles se rassirent sagement à table. Puis, la maîtresse de cérémonie claqua des doigts et une chatte et une ballerine disparurent sous la table. Quelques secondes plus tard, je sentais monter des doigts le long de mes jambes et, saisi, je mis tout mon esprit à contribution afin de m’acclimater à ce qui était en train de se produire dans ce manoir, l’air hébété, alors qu’Alexia agitait ses doigts, aloha, chéri!

On libéra mon sexe de mes pantalons, sous la nappe, et je sentis bientôt la chaleur mouillée d’une bouche inconnue l’entourant tout entier, compliquant considérablement l’autopsie du pauvre homard éventré qui gisait dans mon assiette. Succube et Paysanne disparurent à leur tour sous la table et quelques secondes plus tard, M. Harvey, à l’autre bout de la table, poussait des sons que j’aurais préférés plus discrets. Elles disparurent éventuellement toutes sous la table et je tentai en vain de reconnaître parmis les bouches celle d’Alexia. Je m’abandonnai aux chaleurs variées des lèvres qui me partageaient aimablement, aux succions et aux textures variées qui s’amourachaient de mon sexe boursoufflé. Les unes tiraient violemment, comme un trou noir le ferait, alors que les autres, plus détendues, plus chaudes, me promenaient du palais à la joue, de la joue au palais, dans un tourbillon de langue.

La maîtresse tapa à nouveau dans ses mains et les folkloriques coquettes ressortirent de sous la nappe. On eut crut qu’elles avaient étudié et suivait un programme plus ou moins précis. On nous servit alors le plat principal, qui fut dégusté dans un silence troublant. Mme Bowering siffla. Je ne savais à quoi m’attendre. Paysanne et Hawaïenne vinrent à mes côtés. On tira ma chaise à un mètre de la table. Alexia releva sa jupe et grimpa sur moi, et s’enfonça mon sexe jusqu’au fond du corps. Elle s’agita comme une forcenée, en s’appuyant sur mes épaules. Puis, elle céda sa place et ce fut le tour de Paysanne, puis de Catwoman, puis de je ne sais plus, des plus légères aux plus lourdes, des plus criardes aux plus discrètes.

Je n’ose détailler et n’arrive pas, de toute manière, à me rappeler avec justesse les multiples prouesses fantasmagoriques qui s’accomplirent dans cette salle à manger lors de ce repas exquis, mais je me souviens qu’avant le service de la crème brûlée, on fit monter M. Harvey et Succube sur la table pour qu’ils y baisent jusqu’à l’orgasme. Les sexes et les bouches couverts de sucre, je jouis démesurément, le corps subjugué par des soubresauts incommensurables suivis inévitablement, comme le tonnerre suit l’éclair, par des raz-de-marées terribles de ma substance qu’attendaient avec espérance ces luxurieuses créatures au sang de débauche. Peu après, Mme Bowering ordonna que l’on mette feu aux bouts de la nappe, jugeant qu’il était temps que débute le spectacle de clôture…

Je reconduisis à sa voiture Alexia, qui était maintenant revenue de l’été perpétuel du Pacifique dans l’automne gris du Canada:

- Alors, bien mangé?
- Très, c'était exquis, vraiment.
- C'est vrai.
- Dis, comment connais-tu ces gens là? Comment m'as-tu attiré là-dedans?
- Heureuse de savoir que je puisse encore te surprendre.
- Tu as toujours su me surprendre, coquine. Je ne pensais pas que tu me rappellerais, tu sais.
- T'as encore peur que je sois amoureuse, hein? Écoute, c'est vrai, j'ai flanché l'autre soir, mais... Oh et puis merde Angélus j'ai pas envie de me justifier... Allez, bonne fin de soirée.

Elle ouvrit la portière de sa Volvo. Il faisait froid. Le vent nocturne faisant danser ses cheveux dans son visage. Jamais elle n'avait été à mes yeux aussi belle que sous cette lune d'acier, avec le regard des femmes qui disent aux hommes: je n'ai pas besoin de vous.

- Hey, attends!
- Hmm?
- Si je t'invite chez moi, samedi, pour une soirée de cinéma étranger, comme on le faisait parfois, tu accepteras ou faut-il me faire pardonner de t'avoir repoussée?
- J'accepte, mais il faudra quand même te faire pardonner...

Elle s'enfonça dans le cuir de son siège, je fermai la portière, et elle m'envoya un baiser dans les airs. Satisfait, je vis disparaître la Volvo vers la ville et entrepris mon propre chemin vers le loft.

Angélus, me disais-je en me regardant dans le rétroviseur, c'est tout ce que ça lui a prit pour te ravoir. Est-ce parce que je suis simplement minable ou plutôt parce que c'est moi qui, au fond, la voulait de retour dans ma vie? Alexia, l'amante, l'amie, m'avais manqué, c'est vrai. Je songeais déjà aux films que je choisirais et imaginais quels gestes, quelles attentions je devrais poser pour me faire pardonner le recul démesuré que je lui avais imposé après la manifestation de son amour pour moi...