dimanche 25 juillet 2010

Le soupire étouffé

Un soleil bien jaune, d’été, comme de la moutarde dans la piscine du ciel. Une publicité de Corona pour ne pas cramer dessous. Des yachts de millionnaires, leurs buttes de coke, leurs princesses en strings rose bonbon. L’odeur de coco contrefait de la crème solaire, de gaz propane, de fleurs qui baisent avec les abeilles. Les jeunes mettent un kayak à la rivière, les vieux travaillent leur putt. Des nouveaux mariés, leur famille en pâmoison, les ados écœurés, les photos, les curieux. Des chevaux qui plient le cou comme des cygnes, twistés aux vise-grips de la domestication impérialiste – insurgeons-nous, frères citoyens, appelons la PETA, la SPCA, ou le KKK! Leurs pommes de route qui décorent le chemin où une madame à chapeau violet trimbale tant bien que mal ce gros derrière gélatineux qui contribue à la richesse de nos putes.

Deux amoureux qui s’embrassent sur un pont, à l’ombre d’un érable gros comme leur espoir. Ils ont quinze ans, ils sont amoureux. Elle le regarde avec dans les yeux le diamant qu’elle décèle en lui. Le sentiment qu’il y a quelque chose comme le vrai et que cela est maintenant, donc toujours; un toujours qui abandonne tous les possibles, qui n’a au cœur que le maintenant d’amour, le sublime moment.

La fraîcheur du vent ranime le goût de l’océan, le cœur du parapentiste; l’âme est une voile. Des chapelles autrefois sacrées, maintenant musées. Le dieu chassé, accusé, à tord ou à raison, du vide de soi, du besoin de l’autre, de l’autre fait martyr, du soi comme raison d’être.

Le soupire étouffé.

La terre estompée sur les pantalons du jardinier. Le silence-qui-n’en-est-pas-un de la forêt : les fougères, les étangs, les branches, la mousse, les pieds qui écrasent la rocaille du sentier. S’imaginer vivre dedans tout nu tout le temps tout en harmonie avec le tout. Enkidu je t’offre mon corps. Avoir du poil. Bouffer les baies cuites, les lièvres crus. Adieu béton. Adieu pitons. Renier même le feu.

La motocyclette et son dinosauresque grognement. Un prédateur des jungles urbaines. Son conducteur a des couilles de ciment. Sa gonzesse, bien roulée, est tout en graffitis. Ils rejoignent des amis. Ils rigolent entre deux gorgées de bière. Ils sont dotés d’une sagesse que craignent les professeurs d’écoles et les hygiénistes dentaires. Ils sont capables de dire fuck you à n’importe qui.

La solitude de l’ours polaire. Contempler sa vie comme si c’était les étoiles. Là-bas, quelque part… il y a ceci, cela, il y a au moins quelque chose. Sortir sa griffe, la planter dans le ciel et déchirer la Voie Lactée d’une épopée nouvelle. Trancher.

La salive d’un chien. Salut toi. Héééé! Hooo. Gros toutou, hein, oué, oué. Il aime les mains humaines. Elles sont toutes siennes. Ah! si j’avais toutes les mains du monde…

Mourir amoureux

avant son corps était un corps avec une langue une mémoire
aujourd’hui plâtre et papier
pâte craquelée
fissure de femme, parole d’enfant, souvenir d’oiseau

la face du passé rappelle-toi c’est un dos

demain tu dis je serai chair
d'aimer
des os de coeur

statuette vivante aux reflets miroirs
savante muette enchaînée de par soie
ton corps est une âme avec un temps
la terre est ta caresse la plus fidèle
la poigne, le mystère
tout ce qui reste d'immortel