vendredi 19 février 2010

La sexualité des zombies

On aborde rarement le sujet, sinon jamais, d’une part parce que c’est franchement répugnant et d’une autre parce que ça n’a absolument aucun intérêt, mais il nous convient aujourd’hui d’ausculter la sexualité des zombies. Les morts-vivants, ces ressuscités qui animent miraculeusement des amas de bidoche suppurantes de jus obscurs, n’ont-ils pas eux aussi droit de jouir des plaisirs de la chair, aussi pourrie puisse-t-elle être? Le coït n’est-il pas l’apanage chéri des incarnés?

Mentionnons d’emblée, afin de taire les inquiétudes normales qui pourraient obséder n’importe quel non-mort, que nul zombie ne peut procréer. La tuyauterie interne est bloquée par des agglutinats de pus et de moisissure. Ce qui autrefois était un ovaire n’est maintenant qu’un œuf pourri. Ceux qui nageaient autrefois comme de petites grenouilles blanches ne sont désormais que de futiles sédiments gluants. Les zombies, donc, ne forniquent que pour l’exultation du corps… et de l’esprit, s’il en est.

Le sexe du mâle est souvent fort ratatiné et meurtri, selon qu’il ait été grugé par les rats et les vers. La peau généralement partiellement décomposée pendouille, fragile. Souvent, des lambeaux se détacheraient et iraient se loger dans le sexe de leur partenaire, ce qui procurerait un plaisir décuplé, mais risquerait en revanche d’entraîner des infections ou des maladies graves. Ainsi, c’est pourquoi les autorités sanitaires recommandent aux morts-vivants d’utiliser le zondom, un équivalent du condom conçu par la compagnie DeathStyles.

Quant aux femelles, ce que de leur vivant pouvait être appelé Mont de Vénus, de Temple des Temples, porte maintenant les disgracieux sobriquets de Fosse aux Eucaryotes, Potage aux Champignons ou encore Yaourt. Bien que cela puisse provoquer de violentes réactions de répulsion chez les vivants, il semblerait que les organismes vivant dans le sexe des mortes-vivantes possèdent de puissantes propriétés aphrodisiaques et provoquent de légers effets hallucinogènes. Pour cette raison, un rapport sexuel entre zombies débute très souvent par des jeux oraux. Le mâle suçote la chair putréfiée, souvent jusqu’à causer des petits déchirements, heureusement bénignes pour la compagne. Ils partageront alors, souvent en s’embrassant, le lambeau arraché, plongeant les valentins dans un état second extrêmement propice au plaisir sexuel. Ceci étant dit, il est important de spécifier que les substances vaginales isolées sont interdites dans plusieurs pays, y compris au Canada, où champignonne un important commerce clandestin.

Lorsqu’il y a pénétration, le zombie mâle doit faire preuve d’une extrême prudence. En exerçant des mouvements trop brusques, il risque d’importantes lésions à la peau fragile de son propre sexe. On rapporte des cas où il y aurait eu perte du gland, fente de l’urètre et d’autres ou la peau du pénis se serait pelée lors du mouvement de va-et-vient. Le choc du bassin doit évidemment ne pas être trop vigoureux afin d’éviter des fractures. Les relations anales ne sont pas conseillées. Malgré le relâchement permanent des muscles rectaux chez les zombies, la fragilité des organes internes expose les sodomites à de trop grands risques. Effectivement, plusieurs morts-vivants ont définitivement passé l’arme à gauche après s’être entièrement vidé les intérieurs par la porte arrière suite à des poussées trop énergiques.

La sexualité des zombies se déroule tout en douceur. Ils font preuve d’une sensualité que jalousent souvent les non-mortes. Dans le rare cas de Jean-Lazare Lebeaume, un ressuscité n’ayant pas été atteint de l’amnésie qui afflige 99,7% de son genre, l'intéressé parlait de sa nouvelle sexualité en ces termes : « c’est comme, warputbromble, brâââ, zwââ, rot, passer d’un lit de béton à, vraaaaap mwââ, un bain de Jell-O ». On retrouve toutefois de plus en plus de pornographie zombie, appelé zporn (prononcé zi-porn) ou pornzo, dans laquelle des femelles se font sauvagement labourer par des groupes de mâles, choquant la population non-morte qui fait de plus en plus pression sur leurs élus dans le but d’étendre la définition d’ « homme » afin d’inclure les revenants dans la Déclaration des droits de l’homme.

Ces dernières années, on remarque de plus en plus d’activités sexuelles entre vivants et zombies. De fait, nombre de nécrophiles se sont dévoilés au grand jour, revendiquant leur droit d’aimer les trépassés. Lecteurs d’obituaires et fanas du sépulcre manifestent sans relâche devant les parlements dans le but de légaliser leurs bas instincts.

Or, s’il est établi que deux zombies ne peuvent procréer ensemble, rien n’est moins sûr en ce qui concerne l’homme et le revenant. En effet, pas moins de quatre-cent soixante naissances ont été recensées l’an dernier, de mères zombies et de pères vivants et six cent treize mères vivantes auraient donné naissance à des enfants de paternité zombie. Les américains nomment le fruit de ces saillies humbies. Les malgracieux rejetons sont accablés par une toison généreuse qui recouvre le corps entier et dégage d’intolérables odeurs d’ammoniaque. Des communautés s’organisent afin de s’opposer aux naissances de ces hideuses coquecigrues et d’imposer l’avortement aux mères qui les portent. Le débat reste ouvert…

Beaucoup reste à étudier dans ce délicat et controversé sujet et malgré les obstacles, les recherches battent leur plein. Que pouvons-nous apprendre de nos frères revenus du royaume des morts, pestilentiels, miasmatiques, mais sensuels et lascifs? Seul l’avenir nous le dira.

Et vous, messieurs, n’êtes-vous pas tentés par la volupté des champignonnières de ces dames en lambeaux? Mesdames, ne rêvez-vous pas d’une chair en désagrégation vous ramonant les intérieurs?

jeudi 11 février 2010

Petite croisade contre la déraison

Comment ne pas s’insurger devant le faux, devant le mensonge? Quand ces messieurs affirment haut et fort qu’il en est ainsi alors qu’il ne pourrait en être plus autrement; quand ces dames prétendent que de telle chose il faut penser ceci, même lorsque confrontées aux syllogismes les plus manifestes infirmant leur doctrine; comment ne pas avoir envie de mettre le feu aux nappes? Ne faudrait-il pas révérer davantage la girafe que l’homme qui refuse les probes fondations de la logique, l’asticot à la femme qui entre la vérité et l’orgueil choisira le second?

Lorsque buté au mur de l’idiotie, il semble approprié de se ramener à l’esprit qu’il faut moins d’une heure aux éléphanteaux pour apprendre à marcher et de s’indigner du sort de nos enfants qui y mettent généralement une année. Pas de quoi célébrer un Te Deum. Il faut être patient avec ces humains – ça vaut le coup, si on s’en remet aux dires des enthousiastes de la race. Pour ma part, j’ai abandonné, et si j’arrive à vouer aux humains ce qu’on pourrait appeler de l’amour, au contraire des pitoyables misanthropes, je valse avec mon propre genre d’un pas sur le pied de la pitié et de l’autre sur celui de la compassion.

Mais confronté à la sottise, à l’absence de discernement, au néant de la bêtise, je ne danse plus. Un nuage électrique éclipse toute ma bonne foi. Je ne contiens qu’avec grande peine les débordements que provoque l’orage de mon ire. C’est le paroxysme de l’exaspération.

Ces nigauds fondent leurs doctrines sur de chétifs axiomes, les faisant parader comme des hordes chevauchant des ânes, prêts à sonner la charge devant les murs insurmontables de la perle du Bosphore. Lorsqu’ils se retrouvent inexorablement défaits, plutôt que de céder humblement à l’inférence et de s’allier à la prépotence de la raison, ils préfèrent s’enorgueillir des chiquenaudes bassement sophistiques qu’ils auront servies à d’infrangibles fortifications, repartant bredouilles, humiliés sans le savoir, se détestant sans doute un peu plus, tout au fond du cœur qui, lui, reconnaît toujours l’échec.

Je voudrais alors déchirer comme de vieux brouillons les cerveaux puérils de ces ennemis de la raison, leur sculpter avec la hache de Ganesh une nouvelle âme dans un roc d’épistémè, les saouler au kykeon, les acculer à l’épopteia. Je figerais dans la glace le thymos, ce véhicule des ferveurs aveuglantes et des passions étroites, pour ne le faire dégeler qu’à la vacillante lumière des chandelles de la sapience. Plus jamais l’impétuosité de ces esprits ne céderait aux verbiages de la déraison, non, ils sauraient se tenir. Ils réfuteraient l’artifice, useraient d’apagogies sublimes et démontreraient des théorèmes implacables. Ils sauraient éviter le marécage où chasse le crocodile du mensonge, contourner le désert où rampe le serpent de la tromperie, traverser les cieux où volent des dragons cracheurs de feux d’artifices. Ils tasseraient alors les vers blancs de la prudhommerie médiatique, retireraient la malandre de l’amphigouri des politiciens, et peut-être escamoteraient-ils même la ravageuse et virale passion du lucre?

Il en est de la pensée comme de la menuiserie. Bien qu’avec la bonne intuition il soit possible de réaliser des œuvres tout à fait convaincantes, n’est-il pas préférable de connaître un minimum de méthode et technique afin d’élargir le champ des possibles? Le discernement est une antiquité que l’on a collectivement abandonnée, au profit d’un confortable cocon d’ignorance. En ces années où l’homme n’est qu’une variable dans des calculs macroéconomiques, penser fait mal. Si mal qu’on croirait porter une vilaine couronne d’épines. On préfère la cécité au sang coulant dans des yeux ouverts.