Il paraît qu’il faut, de temps à autres, téléphoner nos amis. Ça devait faire deux semaines que je n’avais pas parlé à Louis. La mi-session, la préparation de ce colloque, mes pensées hétérogènes m’avaient tenu à l’écart de toute forme d’activité grégaire. Mon vieil ami ne mit pas cinq minutes à s'interroger sur le rébarbatif de mon ton de voix.
- Qu’est-ce qui ne va pas mec, t’as l’air décalissé?
- Oh, t’en fais pas. Je sais pas trop.
- Tu sais pas trop? Tu veux que j’aille faire un tour? Ma femme est partie à la piscine avec le petit et les Canadiens mènent 4-0 en première période, j’ai pas envie de regarder la suite. C’est dans la poche. Oh! Et il faut que je te fasse écouter deux ou trois trucs que j’ai trouvés sur le net. Tu vas adorer.
- T’as déjà soupé?
- Angélus, putain il est huit heures, j’ai soupé y’a trois heures.
- Ok, c’est bon, je vais aller me chercher du thaï à côté.
Louis est arrivé quarante minutes plus tard avec son iPod et une bouteille de Toasted Head de Californie. On a fait résonner nos mains ensemble, ça a fait un pok! très fort et très clair (après toutes ces années d'exercices...). Pendant qu’il débouchait la bouteille et que je sortais les coupes, il me racontait les premiers pas de Nathan, les déboires de sa belle-mère, me demandait comment ça allait au bureau, mais dès que les verres furent versés il mit fin, hosanna!, à la discussion de surface :
- Alors, c’est laquelle qui te tracasse comme ça? T’as soupiré trois fois depuis que je suis rentré.
- C’est Sophie… je sais pas trop ce qui m’arrive, j’arrête pas d’y penser, toutes les autres filles me semblent grises, superficielles ou carrément connes.
- Sophie? Tu m’étonnes là. Me semble que c’est pas ton genre. Je la connais pas, mais selon ce que tu m’as dit, c’est pas une grande exaltée ça là? La poète? De toute façon mon vieux, il n’est pas comme un peu tard? Tu l’as plaquée là y’a un mois.
- Ouais, je sais, Louis, mais on dirait que depuis ce soir là, je regrette. J’ai envie de la revoir, pour vrai, et pourtant je me sens comme un vrai trou de cul, tu sais, je tomberai pas amoureux d’elle, je suis pas amoureux d’elle, mais j’ai envie de la voir.
- T’as envie de la baiser, tu veux dire.
- Ça aussi, c’est sur…
- Bon, alors c’est quoi le problème, Angélus, appelle-la, mets-ça au clair comme tu as toujours fait, et advienne que pourra? Qu’est-ce qu’il y a de si différent avec Sophie?
- J’sais pas, j’pense que, j’pense qu’elle me fait peur?
- Peur? Elle m’a pas l’air ben ben épeurante pourtant.
- Ben fuck, Louis, penses-y deux minutes, la fille voulait être mon esclave. C’est pas des farces son affaire, elle était sérieuse.
- Sacrament de folle, si tu veux mon avis. Mais toi les folles t’aimes ça…
- T’as surement raison, c’est une folle. Mais c’est une folle intelligente et lucide, elle sait ce qu’elle fait. Elle est en même temps vulnérable et extrêmement dure. C’est justement ce que je trouve de trippant, tu vois.
Il remplit mon verre, puis le sien.
- Hey, je branche mon iPod, je dois te faire écouter Rudi Arapahoe. Tu vas aimer ça. Dans le genre musique ambiance il se fait pas mieux.
- Hâte d’entendre ça. On devrait s’asseoir dans le salon on entendra mieux.
Une fois rassis, il me demanda :
- So? Tu vas faire quoi?
- Ermm. J’sais pas, j’pense que je vais lui écrire. Je n’ai pas entendu de ses nouvelles depuis un mois…
- Ok, pis tu vas lui dire quoi?
- Tu veux que j’te mette en CC, Louis?
On discuta encore un peu de Sophie, il se moqua de moi et de ma fascination pour les créatures absconses. Je me moquai de lui et de sa fascination pour ses propres genoux. Parler à Louis me fais du bien. Il fait juste écouter. Il sait bien que peu importe ce qu'il dira, j'en ferai à ma tête. Ça ne lui pose pas problème, à Louis, il n'a pas besoin de se sentir utile, de me prodiguer des conseils qui s'écraseraient comme des avions de papier.
Nous terminâmes la soirée avec Miles Davis Quartet et le Curtis Fuller Quintet, du cognac et deux parties d’échec – je fus mat les deux fois en moins d’une demi-heure. Il me recommanda des bouquins écrits par des champions mondiaux, je lui proposai plutôt, pour la prochaine fois, une joute de Scrabble. Vers onze heures et demi, Louis téléphona à son Angélique pour lui dire qu’il arrivait sous peu, pour savoir si tout avait bien été à la piscine; elle lui demanda de ramener du lait.
- Salut mon pote. Je dois retrouver mon autre Ange, celle qui n’a pas de couilles.
- T’aurais pu me demander de me faire castrer si tu voulais me marier, Louis.
- T’aurais dis oui?
- Peut-être, t’as peut-être choisi le mauvais ange! Allez, dégage avant que j’te viole.
Lorsqu’il eut quitté, je déplai mon ordinateur sur mes genoux, déterminé à écrire à Sophie, ne sachant toutefois pas ni quoi ni comment lui dire ce que j'avais dans tout le corps. Sophie, veux-tu encore être mon esclave? DELETE. Sophie, ça fait au moins cinquante fois que je me fais jouir en m’imaginant en train de te mordre le piercing, de te baiser entre tes petites fesses blanches en t’écrasant la face sur un rond de poêle, en train de t’écarteler cruellement avec ma literie et de te... DELETE. Sophie, je t’accepte comme esclave si tu remplaces tous tes pyjamas par des déshabillés. DELETE.
Soupirs.
mercredi 28 octobre 2009
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humm humm
RépondreEffacer...soupir commun.
Vous acceptez une soupirante de plus dans votre club ? :)
RépondreEffacerAttraction insoluble : traité élémentaire sur le/la freak. À lire dans un monde parfait.
RépondreEffacer«Les créatures absconses»...
RépondreEffacerÇa pourrait être le titre de mon autobiographie sexuelle. J'adore.
T'as qu'à lui dire que tu veux la baiser comme une pute ! Si elle aime être soumise, faut lui dire ça ! En tout cas, moi j'aimerais...
RépondreEffacerIl faut juste ne pas lui dire qu'elle te rends fou...Ca briserait l'entente.
RépondreEffacerLa folie...ca nous rends tellement vivant!
L'achigan + SexySoda: Si vous êtes tous pour soupirer en arrivant ici, je vais distribuer des gobelets de Listerine à l'entrée. ;)
RépondreEffacerGeneviève: A ne pas lire, donc?
Bast: Vous attendez quoi pour l'écrire? Je veux lire.
The Witch: Je lui dirai toutes sortes de choses, ne vous inquiétez pas pour ça. ;)
Magnolia: Elle ne me rend pas "fou", mais sa proposition m'obsède!
a bientôt!
*il lève son chapeau et disparait derrière le rideau*
À lire dans un monde parfait dans la mesure où un tel écrit existerait. En attendant, patientons ou laissons nos freaks à eux-mêmes. (quel ennui !)
RépondreEffacerGeneviève: Il faudrait élire un freak. André Sauvé, premier ministre! Nah, pas assez freak. :)
RépondreEffacerTiens donc, on a changé la devanture ici! Pas mal du tout, mais je dois avouer que je préférais l'ancienne, avec les deux copines black and white. Mon avis! Mais c'est bon de changer de peau de temps en temps, c'est vrai.
RépondreEffacerEt je te comprends, oh oui, je te comprends! Car moi aussi j'aime les folles, à mon grand dam, je les aime jusqu'au point de désarticulation et alors, je me retiens de les défenestrer.
Je suis encore perplexe devant le rouleau de papier essuie-tout dans le bas de l'image... Je pense que j'aimais mieux l'autre d'avant aussi.
RépondreEffacerJe vais réfléchir à la défenestration des folles.
Bises à vous deux.
moi j'aime les folles mais pas celles-ci...par contre j'aime ce que tu écris ,c'est le principal ! et sache que je ne lis pas que le dernier post publié.
RépondreEffacerMais que vas tu faire alors ? lui écrire,laisser tomber? Suspense ;)
Ari
Pornographomane & Alyss: Rhaa, ce que vous êtes chigneux. Vous allez prendre les images que je vous impose. Lisez "Qui a piqué mon fromage" pour mieux vous adapter au changement. ;)
RépondreEffacerAri: Suspense, oui... Merci de venir lire ce qui se passe dans la vie ambigue d'Angélus. :)