mardi 8 septembre 2009

Je vous salue Marie

Je n’étais qu’un gamin de première année, mais pendant les leçons, j’étais obnubilé par mon désir de la petite Marie-Ève assise tout juste devant le professeur, dans la première rangée. Pendant le « je vous salue Marie » du matin (mon institutrice insistait sur cette tradition, même au cœur des années 80), je me pinçais le prépuce en fixant du regard cette enfant qui ignorait tout de ma convoitise. Pour la charmer, j’avais tiré sur ses adorables boucles de cheveux : elle avait pleuré, on m’avait réprimandé et tous mes espoirs périrent lamentablement.

L’année suivante, je m’étais mieux adapté socialement et mon amitié avec une fillette de la rue m’avait permis d’en comprendre un peu plus sur le sexe opposé. J’étais fort beau gosse et je ne crois pas exagérer en affirmant que la majorité des petites filles de la classe mentionnaient mon nom avec tendresse, sinon avec passion. Un jour, la plus jolie d’entre elles, Caroline, vint me demander si j’accepterais d’être son « chum ». Je n’avais pas la moindre idée des implications, mais je compris qu’il s’agissait à tout le moins d’un consensus sur le fait qu’on se plaisait l’un l’autre. Le soir dans mon lit, je m’imaginais m’offrir à elle tout entier, lui dire « fais de moi ce que tu veux », je me tortillais comme un dément, ne sachant comment vivre cette soif inavouable. Puis, un midi dans la cour d’école, après un match de soccer et des chamailles puériles, vint à moi Marilou, plus blonde que She-Ra, les yeux plus bleus que le costume de Superman. Elle me demanda si j’accepterais d’être son « amoureux », et comme je l’étais déjà en la voyant s’approcher vers moi entourée de ses amies un peu plus laides, mon oui fut immédiat et sincère. Au cours de la même récréation, une Caroline en colère vint me servir ma première claque au visage. J’en fus d’abord amusé, mais ses petits yeux verts étaient humides et je compris que l'heure n'étais pas au jeu. Elle me reprocha de l’avoir trahie, de lui préférer Marilou, et je fus grandement accablé de cette accusation qui me semblait injuste. Caroline et Marilou étaient toutes les deux très mignonnes, autant l’une que l’autre, et c’est en vivant une déception inconsolable que ma mère m’apprit qu’il était répréhensible, voire abject, d’aimer deux filles, qu’il fallait en choisir une.

En cinquième année, j’avais évolué en grand romantique et c’est Cynthia et son unique teint basané que j’avais choisis. Après plusieurs mois à se demander quand on allait se frencher avec la langue pis toute (moi je voulais juste mordre ses cuisses) et à endurer Informer sur son balcon, on m’avait alerté en grande panique que Cynthia sortait maintenant avec Rémi, puis cinq minutes plus tard avec Ronald, et avant la cloche elle s’était aussi appariée avec Éric, Simon et Benoit. Je ne comprenais rien à son jeu, j’étais blessé, et j’avais jeté dans le poêle le peluche qu’elle m’avait offert. La semaine suivante, je sortais avec sa meilleure amie et on se frenchait maladroitement dans ses surplus de bave sous une glissoire dans un parc.

En deuxième année du secondaire, le romantique était mort, mais je visais haut : Vanessa. Vanessa qui, à ce qu’on disait, n’était plus vierge, fumait du pot, piquait des pilules à sa grand-mère, Vanessa la déniaisée. Je l’appelais le soir et on se parlait jusqu’à dix heures, trois fois semaine. Je restais à des dizaines de kilomètres de chez elle. Elle me faisait écouter son dance mix dans le combiné. On avait convenu de sortir ensemble. J’avais été invité dans un party, elle n’y était pas, mais on m’informa que Vanessa avait cassé. J’étais le seul garçon. A minuit j’étais couché sur un divan et pas moins de quatre adolescentes me jouaient dans les cheveux, me flattaient le visage et les cuisses. Vanessa tenta de se suicider en avalant des Tylenol, dans les mois qui suivirent, et j'en fus fort traumatisé.

Au cégep, dans une classe de psychologie, il y avait cette fille dont je n’ai jamais retenu le nom. Partout où je la voyais, à la cafétéria, à la salle de détente, à l’arrêt d’autobus, elle s’assoyait jambes écartées, dans ses pantalons noirs, serrés sur ses cuisses, et chaque fois j’espérais voir transparaître à travers le tissu la fente de son sexe. Elle avait des yeux noisette, des lèvres roses et parfaites, se faisait des lulus. Elle réussissait à faire croire qu’elle ignorait tout de son prodigieux sex-appeal, écartant nonchalamment ses jambes, comme ça, pour rien, peut-être qu’elle avait besoin d’aérer. Pendant une leçon sur la hiérarchie des besoins de Maslow, j’étais assis quelques sièges derrière cette antithèse de la sirène, en diagonale, et grâce à la vue alléchante de ses jambes qui s’ouvraient, au désir monstrueux qu’elles provoquaient et à une concentration exemplaire, je réussis à me faire jouir en silence, sans même me toucher. Mes caleçons étaient mouillés – j’espérais que tout cela sèche avant la fin de la classe.

6 commentaires:

  1. Quels mots magique doit-on prononcer pour connaître la suite, mystérieux Ange ? S'il-vous-plait suffit ? ;)

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  2. Notre enfance nous a alors en quelques sorte offerte toute les clés pour atteindre le bonheur en amour une fois adulte. Il semble alors que nous n'ayons soit pu les retenir, soit avoir chosi des les ignorer au profit des plaisirs. Très bien écrit soit dit en passant, ce qui fait que de lire tes billets est aussi un petit plaisir.

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  3. Soda: Il faut dire "Les chemises de l'archiduchesse sont elles sèches ou archi-sèches" trois fois de suite, sans pause, et assez rapidement et m'envoyer le tout en format MP3. :P

    Cannelle: N'est-ce pas? :)

    Julie: On fait effectivement toujours ce que l'on veut de nos expériences passées, mais chose certaine, il ne faut pas trop s'y attacher, ni s'y référer car rien n'est jamais pareil. Il faut attendre et être prêt au neuf, ne jamais calquer le présent sur le passé. Ni sur l'avenir, si j'ose dire. Merci pour le compliment et de votre visite. a+

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  4. Magnifique, j'en voudrais des pages et des pages... :)

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  5. V: Merci, j'ajouterai des pages et des pages pour ceuze et celles comme vous qui les apprécient. :)

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