dimanche 6 septembre 2009

Enchanté, bec, bec.

Après avoir cherché pendant plus de dix minutes un stationnement dans ces rues à peine circulables qui exigent des permis pour se garer, j’ai fini par repérer une place, et grâce à un parallèle merveilleusement exécuté, j’ai pu laisser ma voiture sous un érable, à quelques coins de rue de son appartement. Je sors de ma voiture, empoigne le paquet-cadeau, la bouteille de vin et l’autre de porto, toutes deux dans un sac de la SAQ à soixante-quinze sous. Il fait soleil, il fait frais; nous pourrons boire sur son balcon.

Je sonne à sa porte, Marianne m’ouvre, me fait entrer, me tire doucement par la cravate pour me faire les bis de politesse.

- Tu rentres du bureau, toi.
- Non, je reviens de chez le Père-Noël, il avait quelque chose pour toi et il faisait dire joyeux anniversaire.

Je lui tends son présent, elle le prend, me regarde, intriguée.

- En tout cas, ce n’est pas un bouquin, c’est trop léger. T’es trop gentil, merci.
- Tu l’ouvriras après le souper. Ça te donnera le temps de deviner.
- Coquin. Allons, j’avais déjà ouvert une bouteille de blanc, je t’en sers une coupe?
- Volontiers.

Elle fait jouer du Ella Fitzgerald, elle chante quelques lignes dans un anglais moyen, candidement, comme une fillette.

- Ça se passe comment au bureau?
- Oh, c’est tranquille. Recherche et développement, tu sais comment c’est.
- Par chez nous, c’est la folie.

Marianne a quitté la compagnie pour laquelle je travaille, il y a bientôt un an, pour offrir ses services à un cabinet d’avocats sans réputation mais qui lui a proposé des conditions inégalables. Je lui demande si elle y est heureuse, elle dit oui, si elle a de jolis collègues, elle dit oui, si elle a sorti avec l’un d’eux, elle dit « non, ils ont tous peur de moi », je m’esclaffe, lui réponds qu’il y a de quoi avoir peur, avec sa personnalité de chef d’état, son corps d’Hélène de Troie, et ses tailleurs sexys à mener Viagra en banqueroute. Elle écrase du fromage sur un craquelin, l’apporte à ma bouche en se mordant le bout de la langue dans un demi-sourire. Une mèche de cheveux tombe sur son visage. Je souffle doucement pour la renvoyer, elle plisse le nez, se dégage.

J’ouvre la bouteille de rouge pendant qu’elle sert dans deux assiettes des portions inégales du sauté aux crevettes de la Nouvelle-Orléans qu’elle a préparé. Le soleil de sept heures est d’or, et je la convaincs de manger sous ces précieux rayons, sur son balcon. Nos économisons nos paroles. J’adore ça chez elle; rarement les mots sont superflus, des silences décorés de regards simples, de contemplations partagées. Elle se remémore cette fois à Philadelphie où nous avions bu du cognac toute la nuit au Bar Noir et que nous avions manqué l’avion, le lendemain. « Je croyais qu’on se ferait virer, tu disais t’en fais pas, le patron est en Allemagne. J’avais mal au cœur, tu m’obligeais à boire de l’eau. Même à midi, le décollage avait été pénible. »

- Il n’y a plus de musique, Marie, je vais mettre ton disque d’Astrud Gilberto, ça te va?
- Absolument. Je peux ouvrir mon cadeau? Je meurs de curiosité.
- Je vais le ramener.

Je m’éclipse, repère le disque et en le plaçant dans le lecteur, je m’arrête quelques secondes sur la photo de ses deux sœurs, aussi jolies que Marianne, je m’empare du paquet, revient sur le balcon. Elle est au téléphone, planifie avec sa meilleure amie son vendredi soir. Elles iront danser, elles iront séduire, réussiront. Elle raccroche, ciao bella. Je lui remets le cadeau que j’avais emballé moi-même.

- Bonne fête, ô ma Reine.
- Alors, je crois que j’ai deviné : ça doit être euh… ah je ne sais pas. (Rires)
- Ouvre-le, Marianne, lui dis-je avant de prendre une gorgée de vin.

Elle déballe le paquet, reconnaît le nom de la compagnie sur la boîte, me regarde d’un œil-mitraillette et d’un sourire mesquin. Elle se lève, elle s’approche, me mord le lobe de l’oreille. Je reviens. Elle disparaît dans sa chambre en larguant derrière elle la boîte et les papiers de soie. Je ramène les assiettes à la cuisine, j’entre la bouteille, les coupes, je m’assois dans son sofa de cuir.
Marianne sort de sa chambre et je crois manquer de sang au cerveau. Le négligé vermillon lui va comme écorce à son arbre, simple et efficace. Elle s’avance vers moi, lentement, presque timide.

- C’est superbe, Angélus, merci!
- C’est toi qui es sublime, Marianne. J’adore te donner des cadeaux déplacés.

Elle s’approche, elle veut que je la touche. Je pose mes mains sur ses hanches, elle enfouit ses doigts dans mes cheveux. Je soulève le tissu, embrasse son nombril, je promène discrètement mes mains jusqu’à ses cuisses, les siennes rejoignent mon dos. Elle me repousse dans le divan, s’impose par-dessus moi, les rebords de son sexe exposés, juste au-dessus de mon érection, et j’y devine une tiédeur délicieuse. Je l’enlace fermement, et je baise langoureusement la chair de ses seins que le corsage laisse dévoilée, en sortant un tout petit peu la langue pour la mouiller de ma salive. Elle porte sa main à mon cou et me dégage violemment, en m’écrasant la tête dans le cuir du canapé; cela la fait rire et moi raidir. Elle fait descendre ses mains sur mon torse, défait le nœud de ma cravate, ouvre ma chemise, descend plus bas, jusqu’à la fermeture éclair de mon pantalon gonflé. J’enroule deux doigts dans ses cheveux, et la tire vers moi, reprenant le contrôle.

- C’est ta fête, mignonne, pas la mienne.

Je la fait basculer sur le divan et j’écarte ses jambes. Je soulève ses pieds, j’embrasse ses talons en observant avec convoitise la pente de peau qui mène à son sexe mouillé et je la descends de mes lèvres, baisant et léchant chaque centimètre. Je dévore le tissu empreint d’humidité; elle gémit, ses lèvres forment un O presque parfait. Ma faim n’a plus de patience, j’écarte le satin, je la goûte de toutes mes papilles, en lui offrant ma langue toute entière, léchant de la base au pinacle. Jamais elle n’avait mieux chanté.

Un bruit, dans l’entrée. La porte. Des clés.

Marianne rouvre les yeux, comme une biche surprise, se sauve en vitesse. Je me relève, je cours à la cuisine, les genoux endoloris, la bouche crémeuse.

- Allo la sœur! C’est moi! T’es où?

Elle débouche dans la cuisine avec un sac-cadeau dans les mains, je suis en train d’écraser la bouteille de détergent à vaisselle pour en extirper les dernières gouttes, provoquant des sons disgracieux.

- Oh, salut?
- Salut, je suis Angélus. Marianne est dans sa chambre. Enchanté. Je… vous ai vue sur la photo.

Je pointe la photo en question. Elle repère plutôt la boîte du magasin de lingerie, les papiers de soie laissés négligemment sur le plancher du couloir, le bouton de ma chemise.

- Enchantée. Amélie. Jolie cravate.

Je lui fais l’accolade d’usage en me questionnant sur mon haleine.

5 commentaires:

  1. C'est si bien raconté que j'en jalouse presque cette Marianne ;)

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  2. Cannelle: Comme tu les aime. :)

    SexySoda: Oh, vous savez, peut-être que Marianne vous jalouserait de quelque chose si elle vous connaissait?

    Chiquita: Vous les préférez panées ou sautées? ;)

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  3. Rouarr je sais pas qui je dégusterais en premier... toi ou Marianne ??

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